Lettre ouverte à Luc Ferry,
Ministre de la Jeunesse,
de l'Education Nationale et de la Recherche

et à Xavier Darcos,
Ministre délégué à l' Enseignement scolaire





  
Le Havre, Paris, le 7 mai 2002.



           Messieurs les Ministres,

    Nous sommes des professeurs de philosophie, syndiqués et non syndiqués, de sensibilités politiques diverses. Nous n'ignorons pas les incertitudes politiques de la conjoncture présente mais estimons qu'il est de notre devoir de vous alerter de la situation de blocage dans laquelle se trouve notre enseignement en cette fin d'année scolaire, à quelques semaines des épreuves du baccalauréat.

    Nous craignons en effet que le Ministère de l'Education Nationale continue de nous imposer pour la rentrée 2002 le " programme Renaut ", comme il l'a fait durant toute l'année scolaire.

    Les professeurs rejettent massivement ce programme. Mais contrairement à ce qui a été souvent prétendu dans de grands journaux nationaux, ils ne sont pas opposés à tout changement de programme. Ainsi, en 1997, le projet de programme élaboré sous l'autorité de François Dagognet et de Marcel Lucien avait été favorablement accueilli par la majorité des professeurs de philosophie mais il fut rejeté par le Conseil National des Programmes. Alain Renaut fut alors nommé à la tête du groupe technique disciplinaire de philosophie qui élabora sans concertation un nouveau programme, publié au Bulletin Officiel du 31 août 2000.

    Les professeurs de philosophie ont été consultés après coup, en novembre 2000. Plus de 80% d'entre eux ont exprimé un avis défavorable à ce programme. Ils ont estimé qu'il soumettait leur enseignement à une orientation idéologique et privait leurs élèves des conditions d'un véritable travail de réflexion philosophique. Le programme a été alors légèrement retouché, mais rien d'essentiel n'a été modifié. Malgré la très forte mobilisation des professeurs de philosophie au moment du bac 2001 contre ce programme, le Ministère a décidé de le mettre en application et de diminuer l'horaire d'enseignement en terminales L et S.

    Pour tenter d'apaiser la situation, le Ministère a en même temps mis fin aux fonctions d'Alain Renaut et nommé Michel Fichant à sa place, afin de diriger un nouveau groupe d'experts sur les programmes scolaires. Une commission nationale de suivi du programme a été mise en place et l'une des parties du programme (les " questions d'approfondissement ") a été rendue facultative pour l'année 2001-2002. Les réunions inter-académiques organisées en novembre 2001 avec près de 600 professeurs ont montré à nouveau qu'il rencontrait un rejet massif. Le groupe d'experts chargé de remodeler le programme à partir des recommandations du rapport rédigé par la commission de suivi, a alors élaboré un nouveau projet de programme des séries générales qui a été soumis à l'approbation des professeurs de philosophie en avril 2002. Les résultats de cette consultation n'ont pas encore été publiés.

    Les consultations de 2000 et de 2001 ayant montré à chaque fois un rejet massif du « programme Renaut », il serait aujourd'hui inacceptable que ce programme soit à nouveau imposé à la rentrée 2002 (avec ou sans les questions dites « d'approfondissement »). Il serait inadmissible que le dispositif mis en place cette année n'ait eu d'autre sens que de laisser passer le temps pour reconduire le " programme Renaut " à la rentrée 2002. Il serait préoccupant pour notre démocratie que le Ministère de l'Education Nationale ne tienne pas compte des résultats des consultations qu'il a lui même organisées.

    C'est pourquoi nous nous inquiétons du retard pris dans la publication des résultats de la consultation relative au projet de programme présenté par le groupe d'experts présidé par Michel Fichant.

    En effet, s'il est établi que ce projet est approuvé par les professeurs de philosophie, le Ministère ne doit pas ignorer leur avis, comme ce fut le cas en 1997 après la consultation relative au projet Dagognet-Lucien. Un nouveau déni de démocratie de la part du Ministère de l'Education Nationale ne pourrait que les heurter davantage : car il maintiendrait cette fois un programme rejeté massivement par les professeurs. Un tel autoritarisme porterait préjudice à la crédibilité de notre Ministère et ne permettrait pas de rétablir la sérénité dont notre enseignement a besoin. En tout état de cause, les professeurs de philosophie ne pourraient y rester indifférents.

    Les professeurs de philosophie ont été consultés trois fois en dix-huit mois par leur Ministère : nous vous demandons aujourd'hui, Messieurs les Ministres, de faire respecter ces consultations, en faisant retirer le « programme Renaut » pour la rentrée 2002.

    Et s'il s'avère que la dernière consultation révèle une approbation du « programme Fichant », nous vous demandons d'annoncer début juin son entrée en vigueur pour la rentrée 2002.

    Nous vous demandons enfin de satisfaire la revendication insistante du rétablissement de l' horaire national de philosophie en terminales L et S.


      Dans cette attente, nous vous prions de croire, Messieurs les Ministres, à l 'expression de nos sentiments respectueux.



Les premiers signataires :

Olivier BOUR, Lycée Jules Ferry, St Dié, (Nancy-Metz)
Blaise BUSCAIL, Lycée A. Vogt, Commercy (Nancy-Metz)
Florent BUSSY, Lycée Michel Anguier, Eu (Rouen)
Didier CARSIN, Lycée Claude Monet, Le Havre, (Rouen)
Violaine CHAVANNE, Lycée Arago, Villeneuve-Saint-Georges (Créteil)
Philippe DANINO, Lycée Claude Monet, Paris (Paris)
Guy DUNAND Lycée Claude Monet, Le Havre (Rouen)
Camille ESCAMILLA, Lycée François 1er, Le Havre (Rouen)
Jean-Michel ESCAMILLA, Lycée Claude Monet, Le Havre, (Rouen)
Nicolas FRANCK, Lycée La Folie St-James, Neuilly, (Versailles)
Joël GAUBERT, Lycée Clémenceau, Nantes (Nantes)
Pierre HAYAT, Lycée Jules Ferry, Paris (Paris)
Eric LAMY, Lycée Vincenot, Louhans (Dijon)
Céline-Christine LE STRAT, Lycée du Golf, Dieppe (Rouen)
Benoît LORIMY, Lycée Maupassant, Fécamp (Rouen
Isabelle SACHINIS-MUTUEL, Lycée R. Schuman, Le Havre (Rouen)
Didier WAGNER, Lycée Stanislas, Wissembourg (Strasbourg)





Chers collègues,

  Il y a urgence. Vous avez sans doute appris que le nouveau ministre de l'Education Nationale n'était autre que Luc Ferry, l'ancien président du CNP, l'ami d' Alain Renaut, celui qui déjà s'était opposé en 1997 à ce que le programme Dagognet- Lucien, pourtant approuvé à l'époque par la majorité des collègues, soit mis en application.

   On connait son hostilité aux projets de programme Fichant et son soutien au programme Renaut, sa complicité avec l'ACIREPH, cette association para-ministérielle.

   Il sera épaulé par Xavier Darcos, nommé ministre délégué à l'enseignement scolaire.

   Il nous a donc semblé nécessaire, à quelques collègues et à nous mêmes, d'écrire une lettre à ces deux ministres pour demander le respect des consultations organisées par le ministère précédent, concernant le programme, et de faire retirer le programme Renaut que toutes les consultations ont rejetées. Nous leur demandons de faire paraître au plus vite les résultats de la consultation d'avril 2002 sur le programme Fichant et de décider de l'application de ce programme à la rentrée 2002, s'il s'avère que cette consultation lui est favorable.
Nous leur demandons enfin de rétablir l'horaire national de philosophie dans les séries L et S.
   Chers collègues, il nous paraît nécessaire d'obtenir dans les plus brefs délais 100 signatures pour cette lettre. Ce seront les 100 premiers signataires, et rien n'empêchera d'autres collègues de se porter signataires ultérieurement. Mais dès que nous aurons obtenu ces 100 signatures, nous adresserons la lettre aux ministres concernés.
   C'est pourquoi nous nous adressons à vous pour vous demander si vous êtes d'accord pour être signataire. Si c'est le cas, nous vous demandons de nous répondre au plus vite, en mentionnant votre nom, votre établissement, la ville où vous enseignez, et l'académie.
   Cette lettre sera proposée à la signature de professeurs du supérieur, des classes préparatoires et du secondaire.
   Nous vous demandons enfin de la proposer à la signature d'autres collègues et de nous communiquer leur nom, leur établissement et leur ville.
   Cette lettre sera accompagnée par d'autres lettres adressées aux sénateurs, aux partis politiques, aux syndicats, aux medias. Les rédacteurs de ces dernières lettres se borneront à rappeler les exigences formulées dans la lettre aux deux ministres et renverront pour toute explication à celle ci, qu'ils joindront à leur correspondance. Ils écriront ces lettres au nom des signataires de la lettre aux deux ministres et demanderont aux sénateurs d'intercéder en faveur de leurs demandes, aux partis politiques de se prononcer pour la garantie d'un véritable enseignement de la philosophie au lycée et le respect des consultations, aux syndicats enfin, d'appuyer leur exigence de respect des consultations organisées par le ministère lui même.
Nous espèrons que ces explications sont suffisamment claires.
Pour ne pas nous disperser, nous vous demandons d'adresser ou de faire adresser vos réponses (ou celles de vos collègues) aux adresses indiquées sur la lettre, à Nicolas Franck ou à Didier Carsin.
   La lettre aux ministres est sans doute une première étape. Les collègues seront peut-être nombreux à envisager des AG en juin , si les nouveaux ministres ne tiennent pas compte du tout des consultations et de cette lettre.
Mais il faut commencer par là.
  
En vous remerciant de votre attention, et dans l'attente d'une réponse rapide de votre part,
cordialement.

   Didier Carsin, lycée Claude Monet, Le Havre
   Nicolas Franck, lycée de la Folie Saint James, Neuilly